Les vascularites cérébrales

 

Définition

Les vascularites cérébrales répondent à une définition neuropathologique : l’invasion et l’infiltration de la paroi des vaisseaux du système nerveux central par des cellules inflammatoires d’origine sanguine. Chez l’enfant, elles sont caractérisées par leur origine (infectieuse ou non infectieuse), leur évolutivité (transitoire ou chronique) et par le calibre du vaisseau principalement affecté : (Classification).


Les vascularites des grosses artères cérébrales, les plus fréquentes, se présentent par un AVC (ischémique plus fréquemment qu’hémorragique). La plupart sont monophasiques à déclenchement infectieux. Le diagnostic repose sur l’histoire clinique, l’imagerie et l’analyse du liquide céphalo-rachidien.

 

Les vascularites des petits vaisseaux, plus rares, se manifestent par des céphalées, une épilepsie, une détérioration cognitive et des troubles du comportement. Ces signes diffus ou multifocaux peuvent survenir insidieusement sur plusieurs semaines ou plusieurs mois. Le tableau clinico-biologique systémique dans les formes secondaires et la biopsie cérébro-méningée dans les formes primitives font le diagnostic étiologique.

Les deux présentations peuvent être intriquées et associées à d’autres types d’atteintes cérébrales. Les complications neurologiques des maladies de système ne sont en effet pas toutes de mécanisme vascularitique (et peuvent associer vasculopathie non inflammatoire, vasospasme, thrombose in situ…) ni même cérébrovasculaire : lésion cérébrale directe due à la maladie, à ses complications (hypertension par exemple) ou à son traitement. C’est donc un ensemble de mécanismes qui aboutit à la symptomatologie neurologique finale.


1/ Les vascularites cérébrales monophasiques


1.1/ D’origine infectieuse

L’envahissement de la paroi des artères de la base par les cellules inflammatoires est pratiquement constant au cours des méningites purulentes ou tuberculeuses. Une atteinte des sinus veineux peut aussi survenir au contact de foyers infectieux comme les mastoïdites et les ethmoïdites. Après une phase d’amélioration initiale, ces accidents sont marqués par une réaggravation neurologique brutale : déficit focal, crise d’épilepsie ou hypertension intracrânienne. L’imagerie confirme l’infarctus cérébral artériel ou veineux et montre la lésion vasculaire. Une vascularite cérébrale peut aussi compliquer le cours d’infections bactériennes systémiques comme la maladie de Lyme. En plus des signes diffus (apathie, troubles du comportement), la maladie peut être associée à une artérite de la base du crâne. La cellularité du LCR est très élevée.


1.2/ L’artériopathie cérébrale transitoire de l’enfant et les artériopathies post-infectieuses (dont post-varicelle)

 

1.3/ Associées aux vascularites systémiques

Le purpura rhumatoïde est la vascularite pédiatrique la plus fréquente. L’atteinte neurologique bénigne et fréquente se limite à des céphalées et une apathie. Les formes plus sévères peuvent néanmoins entraîner des crises d’épilepsie, une altération de la vigilance, voire très rarement une hémorragie cérébrale ou une thrombose veineuse.

La maladie de Kawasaki est une panvascularite à tropisme électif pour les artères coronaires. Les complications neurologiques sont essentiellement une méningite aseptique ou une paralysie faciale. Une dizaine d’observations d’AVC (dont deux ruptures d’anévrisme) ont été rapportées.


2/ Les vascularites cérébrales chroniques sont beaucoup plus rares


2.1/ La vasculopathie associée à l’infection par le VIH1

Alors que cette complication était devenue exceptionnelle, elle reste parfois observée après restauration immunitaire suite à l’emploi de thérapeutiques antirétrovirales puissantes. La symptomatologie est marquée par la survenue AVC, hémorragiques ou ischémiques, dus à la dilatation des artères de la base, pouvant confiner à l’anévrisme géant ; l’artériopathie sténosante étant plus rare. L’atteinte vasculaire peut être la conséquence de l’invasion pariétale par le VIH1 ou favorisée par les infections opportunistes, notamment à virus varicelle-zona.

 

2.2/ Associées aux maladies de système

L’atteinte du système nerveux central peut être révélatrice du lupus systémique. La vasculopathie et la vascularite (plus rare) lupiques impliquent principalement les petits vaisseaux. Néanmoins, la pathogénie de l’atteinte neurologique est très diverse, associant atteinte parenchymateuse directe par auto-anticorps, activation du complément, thrombose veineuse ou artérielle par syndrome des antiphospholipides… Les symptômes prennent de fait des formes très diverses : céphalées, crises d’épilepsie, troubles du comportement, déficit focal.

Les manifestations neurologiques de la maladie de Behçet peuvent être schématiquement divisées en atteinte thrombotique (la plus courante) essentiellement veineuse et encéphalite diffuse avec hypersignaux T2 disséminés. Les symptômes sont ceux des thromboses veineuses cérébrales : céphalées et crises d’épilepsie.

 

2.3/ La vascularite primitive du système nerveux central

Il s’agit d’une maladie très rare. Elle se manifeste par des céphalées, une épilepsie, des déficits multifocaux, une détérioration cognitive et des troubles du comportement, installés sur quelques semaines à plusieurs mois. Ces symptômes peuvent s’associer à des signes systémiques tels que fièvre, syndrome grippal ou malaise général avec élévation des marqueurs inflammatoires biologiques. Par contre, une atteinte glomérulaire ou la positivité d’auto-anticorps sériques (facteurs antinucléaires, anticoagulants circulants, anticorps anticytoplasme de polynucléaires) orientent vers une vascularite secondaire. L’analyse du liquide céphalo-rachidien montre une pression d’ouverture augmentée, une cellularité modérée et une hyperprotéinorachie avec bandes oligoclonales.

 

A l’IRM, les lésions parenchymateuses sont multifocales, bilatérales et asymétriques, intéressent la substance blanche et la substance grise corticale et profonde, sans obéir à une distribution artérielle. Ces images sont au mieux visibles en FLAIR (images), parfois rehaussées après injection de gadolinium. La dynamique temporelle, évoluant par poussées/améliorations est caractéristique.

 

Lorsque l’atteinte est confinée aux petits vaisseaux cérébraux, l’imagerie vasculaire est normale et la vascularite est démontrable uniquement par la biopsie. Cette biopsie est au maximum informative si elle est réalisée à ciel ouvert, dirigée sur une lésion visible en imagerie et si elle intéresse les méninges, le cortex et la substance blanche sous-jacente. Elle montre l’infiltration segmentaire de la paroi des artérioles, capillaires et veinules par des lymphocytes T. La présence de granulomes et de nécrose serait un élément de gravité.

L’inflammation peut aussi impliquer les vaisseaux de plus gros calibre. Les signes diffus et progressifs décrits ci-dessus sont alors soudainement aggravés par un AVC. L’imagerie vasculaire montre des sténoses multiples, diffusément réparties sur l’ensemble du réseau : bilatérales, proximales et distales, antérieures et postérieures. Dans les formes très actives, les séquences avec injection peuvent révéler un épaississement et une prise de contraste de la paroi artérielle (images).


3/ Diagnostic différentiel

Le syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible induit des sténoses vasculaires multiples non inflammatoires, réversibles en quelques semaines. La clinique est marquée par des céphalées soudaines et intenses, parfois compliquées d’un infarctus ou d’une hémorragie.
La dysplasie fibromusculaire est une artériopathie systémique non inflammatoire, à tropisme cérébro-rénal. Cette maladie intéresse les nourrissons et les jeunes enfants et se caractérise par le caractère multifocal et récidivant d’infarctus et d’hémorragies cérébraux et une hypertension artérielle.
Même si l’évolution est différente, le tableau clinico-biologique initial des encéphalomyélites aigües disséminées peut porter à confusion avec une vascularite des petits vaisseaux. Idem pour les encéphalites avec anticorps anti-neuronaux (dont le modèle pédiatrique est l’encéphalite associée à la présence d’antirécepteurs au NMDA) qui se manifeste par des mouvements anormaux, des crises d’épilepsie, et des troubles du comportement, de la communication et de la vigilance. Le diagnostic repose sur la mise en évidence des anticorps dans le liquide céphalo-rachidien et le sérum.

 

4/ Traitement

En cas d’AVC, la prise en charge aigüe est analogue à celle des autres causes, tandis que la présentation par un autre symptôme neurologique, les manifestations associées et les complications éventuelles font appel à un traitement spécifique : antibiotiques, antiépileptiques…
Les règles générales du traitement antithrombotique sont également valables. L'aspirine est utilisée en cas d’artériopathie sténosante et souvent proposée en cas de vascularite chronique des petits vaisseaux. L’anticoagulation (héparinothérapie initiale ± relayée par antivitamines K) est recommandée pour les thromboses veineuses, en présence d’accidents thrombotiques avec syndrome des antiphospholipides et pour certains dans les vascularites secondaires aux méningites purulentes. Ce traitement antithrombotique est poursuivi tant que le processus thrombogène persiste, soit en pratique tant que la vascularite reste active.

Le traitement des vascularites secondaires est celui de la maladie causale. De nombreux d’arguments plaident en faveur d’un traitement précoce et prolongé de la vascularite primitive du système nerveux central par immunosuppresseurs suivant un protocole de ce type:

- Induction par 7 cures mensuelles intraveineuses (500 à 750 mg/m2) de cyclophosphamide associées à 2 mg/kg quotidiens de prednisone, diminués progressivement.
- 18 mois de maintien quotidien par mycophénolate mofetil (1 à 1,2 g/m2) et poursuite de la décroissance des corticoïdes.
- Prévention des complications par cotrimoxazole, calcium et vitamine D.

 

5/ Pour en savoir plus

Merlin E, Stéphan JL. Classification des vascularites de l’enfant. Rev Rhum Monograph 2012;79:12–9

 

Chabrier S, Darteyre S, Mazzola L, et al. Vascularites du système nerveux central. Arch Pediatr 2014;8,884–93

 

Moharir M, Shroff M, Benseler SM. Childhood central nervous system vasculitis. Neuroimaging Clin N Am. 2013;23:293–308

 

Hutchinson C, Elbers J, Halliday W, et al. Treatment of small vessel primary CNS vasculitis in children: an open-label cohort study. Lancet Neurol 2010;9:1078–84

 

Sen ES, Leone V, Abinun M, et al. Treatment of primary angiitis of the central nervous system in childhood with mycophenolate mofetil. Rheumatology 2010;49:806–11

 

Boelman C, Shroff M, Yau I, et al. Antithrombotic therapy for secondary stroke prevention in bacterial meningitis in children. J Pediatr 2014