Les recommandations du Centre National de Référence de l'AVC de l'Enfant

 

Une des missions des centres de référence est de proposer aux professionnels de santé des recommandations pour la pratique clinique, encore appelées guides de bonnes pratiques, protocoles ou référentiels professionnels.

L’objectif est d'homogénéiser le chemin clinique optimal d’un patient à partir des connaissances scientifiques actuelles sur sa maladie.

Ces recommandations peuvent couvrir l’ensemble des champs de la prévention, du dépistage, du diagnostic et du soin aigu et du suivi et s’étendre vers les domaines sanitaires, sociaux, économiques… Elles doivent être régulièrement mises à jour en fonction des nouvelles données. Ces recommandations sont rédigées par un groupe de travail composé de spécialistes du domaine, sous l’égide de sociétés savantes et d’un organisme certificateur, garants de leur conformité.

Pour être valides, elles doivent en effet s’appuyer une méthodologie robuste, dont les principales étapes sont :

L’énoncé précis de la question : tel traitement a-t-il un bon rapport efficacité/tolérance pour cette maladie ? tel examen a-t-il un intérêt diagnostique devant ce symptôme ?

Une analyse attentive et critique des articles scientifiques traitant de la question à partir d’une recherche bibliographique exhaustive

La recherche du consensus au sein du groupe de travail puis l’établissement d’un premier jet de recommandations argumentées. Celles-ci seront revues par un groupe de lecture indépendant incluant des non spécialistes du domaine : médecins d’autres spécialités, autres professionnels de santé, représentants de patients… Plusieurs tours de cette étape peuvent être nécessaires.

La diffusion du document final.

Les recommandations sont gradées suivant leur direction (faire vs. ne pas faire) et leur classe (haut vs. bas niveau de preuve). Le niveau le plus élevé est atteint lorsque plusieurs études à forte puissance (i.e. randomisées en double aveugle) vont dans la même direction. A l’inverse, certaines questions ne peuvent être résolues à partir de la littérature actuelle.

La recommandation repose alors sur l’expérience des auteurs et sur le bon sens clinique ; on parle alors de consensus professionnel. Entre ces extrêmes se situent les niveaux de preuves intermédiaires : une seule étude randomisée disponible, études contrôlées non randomisées, cohortes, études réalisées dans d’autres populations que celle du sujet cible (ex : adultes pour une question pédiatrique), études observatoires…

Même si l’AVC est une pathologie fréquente, son incidence chez l’enfant lui fait partager certaines caractéristiques des maladies rares. Par exemple, l’acquisition de d’un haut niveau de preuve est plus difficile que pour les maladies fréquentes. Les raisons en sont à la fois pratiques (rareté des pathologies étudiées), techniques (difficulté à surmonter certains obstacles légaux en population pédiatrique), financières (peu d'intérêt de l'industrie pharmaceutique) et culturelles (moindre propension des pédiatres que d’autres spécialistes pour la recherche). De plus les problèmes éthiques, tels que le consentement des enfants à participer à la recherche, font l'objet d'intenses débats.

Tout ceci est encore plus vrai dans les situations d’urgence, voire d’hyper-urgence. Il est donc nécessaire de sortir du modèle standard d’essai clinique randomisé contrôlé et d’utiliser des stratégies aptes à diminuer la taille des échantillons.

Pour l’AVC de l’enfant, les essais avec groupes contrôle historiques semblent les plus prometteurs.

De fait, hormis pour le domaine très spécifique de la drépanocytose, il n’y a pas dans la littérature pédiatrique de résultats d’études randomisées étudiant l’efficacité d’un traitement dans l’AVC. Certaines sont néanmoins en cours : étude médicamenteuses de phase II (TIPS : thrombolysis in pediatric stroke), évaluation de diverses techniques de rééducation.

Il faut cependant savoir que même pour une maladie fréquente comme l’infarctus cérébral artériel, seuls quatre traitements ont montré avec le niveau de preuve le plus puissant, leur efficacité chez l’adulte : l’aspirine en prévention, l’hospitalisation en unité neurovasculaire à la phase aigüe, la craniectomie de décompression pour l’infarctus cérébral malin et la thrombolyse intraveineuse précoce en cas d’occlusion d’un gros tronc artériel.

Il est donc nécessaire de travailler à partir de niveaux de preuves intermédiaires et de nombreuses recommandations permettent de guider le clinicien.

 

Roach ES, Golomb MR, Adams R, et al. Management of stroke in infants and children: a scientific statement from a Special Writing Group of the American Heart Association Stroke Council and the - Council on Cardiovascular Disease in the Young. Stroke 2008;39:2644–91. http://stroke.ahajournals.org/content/39/9/2644.full.pdf+html

Monagle P, Chalmers E, Chan A, et al. Antithrombotic therapy in neonates and children: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines (8th edition). Chest 2008; 133: 887S–968S.
http://journal.publications.chestnet.org/data/Journals/CHEST/22073/887S.pdf

Bernard TJ, Goldenberg NA, Armstrong-Wells J, Amlie-Lefond C, Fullerton HJ. Treatment of childhood arterial ischemic stroke. Ann Neurol 2008;63:679-96 http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18496844

DeVeber G, Kirkham F. Guidelines for the treatment and prevention of stroke in children. Lancet Neurol 2008;7:983-5.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18940691


Bollaert PE, Vinatier I, Orlikowski D, Meyer P, Groupe d’experts. Prise en charge par le réanimateur de l’accident vasculaire cérébral de l’adulte et l’enfant (nouveau-né exclu, hémorragie méningée exclue). Recommandations formalisées d’experts sous l’égide de la Société de réanimation de langue française, avec la participation du Groupe francophone de réanimation et d’urgences pédiatriques (GFRUP), de la Société française neurovasculaire (SFNV), de la Société de neuro-anesthésie et réanimation de langue française (ANARLF), de l’Agence de la biomédecine. Réanimation 2010;19:471-8. http://www.sfmu.org/documents/consensus/rfe_avc_reanimation2010.pdf

Saposnik G, Barinagarrementeria F, Brown RD Jr, et al. Diagnosis and management of cerebral venous thrombosis: a statement for healthcare professionals from the American Heart Association/American Stroke Association. Stroke. 2011;42:1158-92.
http://stroke.ahajournals.org/content/42/4/1158.full.pdf+html

Lebas A, Chabrier S, Tardieu M, Kossorotoff M. Traitement anticoagulant des thromboses veineuses cérébrales de l’enfant et du nouveau-né. Les recommandations de la Société française de neurologie pédiatrique (SFNP). Arch Pediatr 2011;18:446-58.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Traitement+anticoagulant+des+thromboses+veineuses
+cérébrales+de+l’enfant+et+du+nouveau-né.+Les+recommandations+de+la+Société+française+de
+neurologie+pédiatrique+(SFNP)

Chalmers E, Ganesan V, Liesner R, et al; British Committee for Standards in Haematology. Guideline on the investigation, management and prevention of venous thrombosis in children. Br J Haematol. 2011;154:196-207. http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2141.2010.08543.x/pdf

Kossorotoff M, Meyer P, Lebas A, Chabrier S. Recommandations formalisées d’experts : prise en charge de l’AVC par le réanimateur. Particularités pédiatriques (nouveau-né exclu). Rev Neurol 2012;168:527-32
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22579503

Lebas A, Chabrier S, Fluss J, et al. EPNS/SFNP guideline on the anticoagulant treatment of cerebral sinovenous thrombosis in children and neonates. Eur J Paed Neurol 2012;16:219-28.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=EPNS%2FSFNP+guideline+on+the+anticoagulant +treatment+of+cerebral+sinovenous+thrombosis+in+children+and+neonates


Ellis MJ, Amlie-Lefond C, Orbach DB. Endovascular therapy in children with acute ischemic stroke: review and recommendations. Neurology 2012;79 Suppl 1:S158-64.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Endovascular+therapy+in+children+with+acute+ischemic+stroke
%3A+review+and+recommendations


Coutinho JM, de Bruijn SF, Deveber G, Stam J. Anticoagulation for cerebral venous sinus thrombosis. Stroke 2012;43:e41-2. http://stroke.ahajournals.org/content/43/4/e41.full.pdf+html

Monagle P, Chan AK, Goldenberg NA, et al.; American College of Chest Physicians. Antithrombotic therapy in neonates and children: Antithrombotic Therapy and Prevention of Thrombosis, 9th ed: American College of Chest Physicians Evidence-Based Clinical Practice Guidelines. Chest 2012;141(2 Suppl):e737S-801S.
 
Les référentiels proposés par le Centre national de référence de l’AVC de l’enfant sont établis à partir de ces textes.
Divers documents en français basés sur ces évidences complètent également les informations du site :


Chabrier S, Kossorotoff M, Darteyre S. Place des antithrombotiques dans l’accident vasculaire cérébral de l’enfant. Presse Med 2013;42:1259-66. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23876648

Chabrier S, Kossorotoff M, Vuillerot C, Husson B. Pour une reconnaissance et une prise en charge urgentes de l’AVC de l’enfant. Réalités Pédiatriques 2014. Sous presse.


Il est cependant illusoire de penser qu’un protocole générique peut envisager l'exhaustivité des conduites à tenir.

 

Y compris au sein d’une problématique bien abordée par un référentiel, chaque situation est unique.