Le traitement anticoagulant

 

Le traitement anticoagulant : voir aussi la synthèse de l'ANSM

Les anticoagulants (et au sens plus large les antithrombotiques) ont un rapport bénéfice/risque bien établi en médecine d’adultes, chez lesquels ils sont prescrits depuis de nombreuses décennies dans diverses situations. Bien que les études cliniques à haut niveau de preuve soit beaucoup plus rares, ils sont également utilisés en pédiatrie, notamment dans la prévention et le traitement des AVC de l’enfant (voir les recommandations des sociétés savantes dans les tableaux 1 et 2).

Le risque majeur des anticoagulants est l’hémorragie. Cette iatrogénie, inhérente à leur principe d’action, est néanmoins souvent liée à une utilisation inadaptée (patient fragile, interactions médicamenteuses, situation à risque hémorragique, administration inappropriée ou erreur médicamenteuse...) et très rare si les règles de prescription et de surveillance sont suivies : tableaux 3 à 5.

Les nouveaux anticoagulants oraux, disponibles depuis 2009, sont en développement chez l’enfant. Ils ne sont pas spécifiquement abordés ici mais peuvent être une alternative aux anticoagulants classiques dans des conditions particulières. Dans l’attente d’une meilleure formalisation de leur utilisation pédiatrique, nous restons à la disposition de chacun pour discuter de vive voix d’une situation individuelle (contact / RCP 3 fois par mois).

L’héparine non fractionnée a une durée d’action de quelques heures (1/2 vie : 90 min), les héparines de bas poids moléculaire de l’ordre de la journée (1/2 vie : 4 h) et les antivitamines K de plusieurs jours.

L’antidote des héparines est le sulfate de protamine (voir infra tableau posologique), dont l’efficacité est totale pour l’héparine non fractionnée et varie de 60% (Tinzaparine) à 30% (Enoxaparine) pour les héparines de bas poids moléculaire. Celui des antivitamines K est la vitamine K1 (30µg/kg intraveineux) ou en cas d’urgence hémorragique le plasma frais congelé, le concentré de complexes prothrombiniques ou le facteur VIIa recombinant.

Contre-indications habituelles au traitement anticoagulant

  • Maladies hémorragiques constitutionnelles et manifestations ou tendances hémorragiques liées à des troubles de l’hémostase.

  • Hypersensibilité à l’héparine et antécédents de thrombopénie à l’héparine (pour les héparines), insuffisance rénale sévère (pour les héparines de bas poids moléculaire) et hypersensibilité aux dérivés coumariniques ou insuffisance hépatique (pour les antivitamines K).

  • En cas de risque hémorragique, notamment lésion extracérébrale susceptible de saigner, ou d’associations avec d’autres médicaments antithrombotiques (aspirine…), la décision de débuter ou de poursuivre le traitement est prise en fonction de chaque situation.

 


Tableaux 1 et 2 : consensus professionnels pour la prise en charge aiguë de l’AVC de l’enfant (nouveau-nés exclus) et l’utilisation des antithrombotiques en fonction du mécanisme de l’accident.
tableau pratique

La place de la thrombolyse est discutée ici. En cas de thrombophilie majeure l’attitude thérapeutique doit être évaluée au cas par cas.

* : A dose thérapeutique. L’infarctus cérébral artériel étendu, notamment associé à des troubles de vigilance importants ou à une compression du tronc cérébral est une contre-indication à l’anticoagulation. Dans ces circonstances, nécessitant une surveillance très rapprochée, chaque possibilité thérapeutique doit être discutée au cas par cas et une intervention neurochirurgicale de décompression (craniotomie) envisagée.


** : Même chez l’adulte, l’anticoagulation n’a pas été montrée supérieure à l’aspirine. En cas de dissection carotidienne, elle est possiblement aussi efficace.

 

décisionnel

Tableau 3 : mise en place et surveillance de l’héparine non fractionnée.
Héparine Non fractionnée
 

La cause majeure de saignement grave sous héparine est un surdosage par erreur de dilution ou de vitesse de perfusion. Toutes ces étapes doivent être particulièrement contrôlées. L’héparine non fractionnée n’est pas utilisée au long cours.

Le TCA cible est entre 60 et 85 s. Certains préfèrent la surveillance de l’activité anti-Xa (cible 0,35 à 0,70 U/mL) chez les enfants <1 an ou en cas de syndrome inflammatoire majeur. Le contrôle est réalisé 4 heures après chaque modification et une fois par jour pendant la durée du traitement. Celui-ci ainsi que l’hémogramme quotidien (cf. infra concernant le risque de thrombopénie induite par l’héparine) recommandé doit cependant s’adapter aux possibilités d’accès veineux, notamment chez le tout petit.

En cas d’hémorragie significative, l’arrêt de la perfusion d’héparine est généralement suffisant du fait de sa courte demi-vie. Si nécessité clinique immédiate, le sulfate de protamine peut être utilisé à une dose fonction de la dose d’héparine reçue dans les 2 h précédentes :

Héparine Dose
 

* : L’utilisation d’un bolus initial de 75 UI/kg en 10 min est proposée par certains et controversée par d’autres. Ce bolus doit être utilisé avec prudence en cas de risque hémorragique et n’est généralement pas fait chez le nouveau-né.

** : Pour les enfants les plus âgés la dose initiale doit donc se rapprocher de cette posologie.
 
 
Tableau 4 : mise en place et surveillance des héparines de bas poids moléculaire à dose anticoagulante.
 
Héparine anticoagulante


Numération des plaquettes
 : 2 fois par semaine pendant 1 mois puis une fois par semaine pendant la durée du traitement.

Une thrombopénie induite par l’héparine doit être suspectée devant un nombre de plaquettes <150 000/mm3 ou une chute >30 % par rapport à la numération plaquettaire avant traitement. Elle apparaît surtout entre le 5ème et le 21ème jour suivant l’instauration du traitement. Elle peut survenir plus précocement, en cas d’antécédents de thrombopénie sous héparine qui est une contre-indication à chercher systématiquement.

La constatation d’une telle diminution des plaquettes impose un contrôle immédiat et si la baisse est confirmée en l’absence d’une autre cause évidente, la suspension du traitement héparinique et la sollicitation urgente d’un avis spécialisé.

 
 
Tableau 5 : mise en place et surveillance des antivitamines K.
 
Anti Vitamine K


L'introduction se fait en relais de l'héparine standard ou d’une héparine de bas poids moléculaire.

L'héparine est arrêtée après l'obtention de deux INR entre 2 et 3 à 48 heures d'intervalle. La dose quotidienne permettant la stabilisation de l’INR est individuelle et varie en moyenne de 0,33 mg/kg chez le nourrisson à 0,9 mg/kg chez l’adolescent.

De nombreux médicaments et aliments modifient la pharmacologie des antivitamines K.

Chez les jeunes enfants, l'héparine de bas poids moléculaire, pour laquelle les taux sanguins sont plus stables, est souvent poursuivie  pendant la toute durée de l’anticoagulation. Lors des thromboses veineuses cérébrales compliquées d'accident veineux hémorragique, il préférable d'attendre au moins 7 à 10 jours avant d'effectuer le relais avec les AVK, compte-tenu des risques de saignement.

* : en cas cardiopathie, notamment présence d’une valve prothétique, l’INR cible doit être discuté avec le cardiopédiatre référent.